Interview de Sylvain Guyoton sur l’évolution des priorités et les tendances d’Achats Responsables dans les grandes entreprises

December 5, 2016 FR EcoVadis FR

Mazars, une organisation internationale spécialisée dans l’audit et les services comptables et fiscaux, a récemment lancé sa sixième étude intitulée « Pratiques & Tendances de Reporting Extra-Financier En France – Baromètre 2016 ».

Les principaux objectifs de cette étude sont de mieux comprendre les tendances de l’innovation dans la structuration des rapports de gestion, la publication d’objectifs chiffrés, la vérification des informations RSE, et la transparence.

Aussi à lire, à la page 18, le témoignage de Sylvain Guyoton, Vice President Research EcoVadis, qui aborde du point de vue d’EcoVadis l’évolution des priorités et les tendances d’Achats Responsables dans les grandes entreprises.

 

Le point de vue d’EcoVadis sur les Achats Responsables

 

Mazars: Pourquoi, à votre avis, les Achats Responsables sont-ils devenus une priorité pour une majorité de grandes entreprises au cours des dix dernières années ?

Sylvain Guyoton: La mondialisation, au travers du déploiement des chaînes d’approvisionnement sur l’ensemble de la planète, et notamment dans les pays en voie de développement, a permis aux donneurs d’ordres des gains de productivité importants. Mais celle-ci les a en parallèle confrontés à des risques accrus voire, dans certains cas, nouveaux : accidents industriels, incendies, pollutions de l’air, du sol ou des eaux, grèves, conflits sociaux, crises géopolitiques, catastrophes naturelles, etc. Face à cela, les grandes entreprises occidentales se sont dotées de programmes d’achats responsables destinés à maîtriser les composantes sociales, environnementales et éthiques des risques liés à leurs fournisseurs. Ces programmes répondent également à une pression réglementaire croissante : la réglementation britannique sur l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement, la réglementation américaine sur les minerais en provenance de zones de conflits ou encore le projet de loi sur le devoir de vigilance ne sont que des exemples parmi d’autres.

 

L’objectif des Achats Responsables est-il uniquement focalisé sur la réduction des risques ?
SG: C’est le point d’entrée principal pour la plupart des grandes entreprises mais elles mettent aussi en avant d’autres motivations. A commencer par la réduction des coûts : sur le thème de l’environnement par exemple, les acheteurs incitent leurs fournisseurs à une gestion plus intelligente des ressources (énergie, eau, matières premières). La réduction des consommations d’énergie ou la réduction des déchets produits génère des gains financiers pour le fournisseur et in fine pour le donneur d’ordre. La création de valeur pour les clients ou consommateurs finaux est aussi une priorité. Les grandes entreprises développant de plus en plus des produits ou des services “verts” se doivent d’entrainer les fournisseurs dans leur démarche.

 

Quels axes stratégiques fondent une démarche Achats Responsables ?

SG: Il y a deux axes principaux : les produits et les fournisseurs. Les produits achetés tout d’abord car il y a aujourd’hui des manières plus intelligentes d’acheter en prenant en compte le coût total de possession et non pas simplement le prix du produit. Les fournisseurs, ensuite, car vous vous devez de savoir avec qui vous travaillez. Il serait incohérent d’acheter des produits plus respectueux de l’environnement mais fabriqués chez des fournisseurs ne respectant les règles élémentaires de sécurité ou les droits de l’homme. La règle KYC, Know Your Customer, imposée aux banques s’adresse également aux acheteurs, et devient KYS, Know Your Suppliers.

 

Quelles sont les grandes composantes d’un programme Achats Responsables ?

SG: Elles sont de trois ordres : s’engager, mesurer et progresser. S’engager par la communication auprès des fournisseurs des valeurs de l’entreprise est indispensable pour fédérer les fournisseurs autour d’un projet commun, et pour ensuite être légitime lorsque la question de l’évaluation se pose. Mesurer est critique car sans mesure, pas de progrès possibles. L’évaluation des fournisseurs a beaucoup évolué. L’évaluation EcoVadis est un rating global qui prend en compte les traditionnels audits sur site mais également les informations issues des parties prenantes, notamment les ONGs ou les syndicats, et enfin les documents justificatifs fournis par l’entreprise évaluée pour démontrer la mise en place d’un système de management RSE en interne. Enfin l’ultime objectif est le progrès des fournisseurs sur le sujet de la RSE : l’important est qu’ils montent en maturité sur ce sujet et en ressortent les bénéfices attendus. Le soutien des donneurs d’ordres est important dans la mise en place des plans de progrès.

 

Quels sont les challenges à la mise en place d’une politique d’Achats responsables et comment les entreprises peuvent-elles les relever ?

SG: Les challenges sont ceux que l’on retrouve généralement dans la mise en place de pratiques de management nouvelles et innovantes, à savoir principalement la résistance au changement. Il ne faut pas sous-estimer les efforts nécessaires pour former les acheteurs à ces nouveaux sujets, pour sensibiliser les partenaires et fournisseurs à ce type de programmes, pour entraîner une communauté de partenaires sur l’ensemble de la chaîne vers des pratiques managériales plus responsables. Dans ce contexte, le soutien du top management est indispensable. Il faut aussi récompenser les fournisseurs les plus vertueux pour donner l’exemple et tirer vers le haut les entreprises les moins matures. Certains grands donneurs d’ordres comme la Société Générale intègrent des évaluations RSE dès la phase d’appel d’offre afin de montrer à leurs fournisseurs l’importance qu’ils accordent au sujet. D’autres, comme Sanofi, intègrent le critère RSE dans l’évaluation de leurs équipes internes Achats. Mais le plus important reste la communication vers les fournisseurs, facteur clé de succès N°1. S’ils comprennent l’intérêt de la démarche, tout le reste sera plus facile.

 

Sylvain photo

SYLVAIN GUYOTON
Vice President Research EcoVadis

 

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