Crédit Agricole : la fonction Achats a un rôle clé à jouer dans la décarbonation. Vraiment.

September 26, 2023 FR EcoVadis FR

Partage d'expérience : Le groupe Crédit Agricole a lancé un questionnaire de maturité carbone auprès  de 700 de ses fournisseurs. 80% des TPE n’ont pas démarré et 50% des PME non plus.
60% des fournisseurs demandent d'être accompagnés sur la réduction des émissions de CO2.

Il faut décarboner les achats ! 

Lors de notre prise de parole commune à l’occasion des Universités des Achats 2023, Séverine Dubois - Directrice achats en charge de la RSE, de la formation et de la communication pour le Groupe Crédit Agricole, nous a rappelé l’urgence de décarboner les achats : 

« Les derniers chiffres du GIEC parlent malheureusement d’eux-mêmes puisqu’en mars 2023 on avait atteint 1,5°C de plus par rapport à l’ère préindustrielle. Les 8 dernières années ont été les plus chaudes dans le monde. Et on le voit avec les incendies actuellement au Canada, et les énergies fossiles, malgré ce qu’on peut entendre dans les médias, restent quand même à plus de 80% l’énergie qui est consommée dans le monde. Il est vraiment urgent de ne plus attendre. Les entreprises sont en grande partie responsables de ces émissions de CO2 et sont donc vraiment en première ligne pour agir. Et dans cette empreinte carbone des entreprises, le poids des achats est relativement élevé. »

En moyenne, 75% de l’empreinte carbone d’une entreprise se situe dans sa chaîne d’approvisionnement. La part du scope 3 dans les émissions globales varie considérablement en fonction du secteur d’activité des entreprises, il n’en reste pas moins important qu’elles collaborent toutes avec leurs fournisseurs pour réduire leurs émissions indirectes.  

« Un marathon que l'on doit courir au rythme d’un sprint pour atteindre les objectifs de réduction fixés par l’Accord de Paris. Je suis convaincue qu'on n'y arrivera pas seuls. Il faut une impulsion collective. C’est une formidable opportunité de travailler avec toutes les parties prenantes dont les prescripteurs et fournisseurs et les communautés d’acheteurs. Et je suis convaincue que la fonction Achats a vraiment un rôle clé à jouer dans le dispositif de décarbonation. »

Pour sécuriser le financement de leurs projets, les acteurs de tout secteur ont tout intérêt à décarboner leurs activités et à impliquer leurs fournisseurs dans la démarche, dans la mesure où les banques basent de plus en plus leurs décisions d’investissement sur les émissions générées.

Lors de notre atelier UDA 2023, Séverine Dubois a pris l’exemple du secteur construction :

« Le Crédit Agricole, qui fait partie du monde des services, a une empreinte carbone qui elle est plutôt située en aval du scope 3, autrement dit sur les financements de ses projets clients. Concrètement lorsque le Crédit Agricole finance une construction de bâtiment pour une entreprise, les émissions que vont générer ce projet vont se retrouver dans l’empreinte carbone du Groupe Crédit Agricole. »

Le Crédit Agricole montre l’exemple !  

Bien que le scope 3 pour le monde des services financiers soit moindre par rapport à celui de de l’industrie, le Groupe Crédit Agricole souhaite être volontaire et faire preuve d’exemplarité en implémentant lui aussi une stratégie bas-carbone pour les Achats.

« Être exemplaire vis-à-vis de nos fournisseurs, qui sont aussi parfois nos clients, est crucial. »  
Séverine Dubois, Directrice achats en charge de la RSE, de la formation et de la communication pour le Groupe Crédit Agricole

La démarche de décarbonation du Crédit Agricole est imbriquée dans son projet sociétal qui se concentre sur 2 axes de progrès :  

  • Agir pour le climat et sur une transition vers une économie bas-carbone
  • Œuvrer pour la cohésion et l’inclusion sociale

« Les conséquences du réchauffement climatique affecte d’abord les populations les plus fragiles. C’est encore plus compliqué pour eux de s’adapter à cette transition climatique, et c’est donc vraiment important de ne pas les laisser au bord de la route. » Séverine Dubois 

Le groupe Crédit Agricole appuie sa stratégie de décarbonation du scope 3 sur 4 piliers : 

  • la mesure, pour comprendre où sont les enjeux au sein des postes d’émissions 
  • la définition d'objectifs de réduction SBT (Science based Target SBTi) 
  • l’établissement d’une feuille de route pour les atteindre 
  • la mise en place d’actions avec un suivi de l’avancée des objectifs fixés 

Mesurer les émissions fournisseurs, pas si facile mais pas impossible ! 

La mesure des émissions du scope 3 n’est pas un exercice aisé car les acheteurs ne maîtrisent pas tout. En effet, ils peuvent influencer la réduction du Scope 3 au travers de leurs relations avec leurs fournisseurs, mais cela passe forcément par une collaboration. Les acheteurs doivent convaincre leurs fournisseurs de s’engager dans une démarche commune sur le sujet afin de pouvoir collecter les données nécessaires et mettre ensuite des plans d’actions cohérents avec les objectifs fixés. 

« Les méthodologies ne sont pas normées aujourd’hui. Il faut néanmoins le faire et on affinera progressivement au fur et à mesure qu’on montera en compétence sur le sujet. » Séverine Dubois   

Au vu du faible niveau de maturité des fournisseurs, le Groupe Crédit Agricole n’a pas choisi de recourir à la méthode basée sur les émissions réelles mais plutôt sur la méthode dite monétaire qui a l’avantage d’être plus simple. 

La méthode monétaire consiste à partir des dépenses et à y affecter un facteur d’émissions (par exemple issu de l’ADEME qui, à date, en propose 70, pour tenter de couvrir la variété des secteurs). Elle permet d’identifier les familles qui sont les plus émissives et de concentrer les actions sur ces dernières en priorité.  

Les fournisseurs expriment un besoin d’accompagnement ! Résultats d’enquête

Les acheteurs sont souvent limités par les capacités de leurs fournisseurs sur la collecte des données mais également la connaissance sur les sujets carbone. Ils sont confrontés à des niveaux de maturité variable entre leurs fournisseurs. La taille des fournisseurs influe aussi beaucoup - une entreprise de petite taille n’a pas les mêmes moyens qu’une plus grande de se former ni de s’équiper pour agir sur ses émissions. Les entreprises donneurs d’ordre doivent donc accompagner leurs partenaires commerciaux.  

Le groupe Crédit Agricole a lancé un questionnaire de maturité carbone auprès de 700 de ses fournisseurs. 2/3 ont fait une première mesure de leur empreinte carbone. 40% ne l’ont donc pas encore fait. Sur ces 40% il y a une forte corrélation entre la taille et la maturité de l’entreprise. 80% des TPE n’ont pas démarré et 50% des PME non plus.

« Il y a encore du chemin à parcourir. Néanmoins, la bonne nouvelle c’est qu’aujourd’hui 1/4 de ces fournisseurs sont engagés dans une trajectoire basée sur la science. Et ce qui est important à noter, c’est que 60% ont exprimé un besoin d’accompagnement. » Séverine Dubois   

Les résultats de notre rapport Carbon Maturity Report 2022 confirment le faible niveau de maturité des fournisseurs : sur l’ensemble des fiches d’évaluation carbone du Carbon Action Module, moins de 4% d’entreprises sont à un stade qualifié d'Avancé ou Leader, autrement dit à un niveau de maturité élevé. 40% sont à un stade Insuffisant, 40% à un stade Débutant. La priorité est vraiment de dialoguer avec les fournisseurs, de les former et proposer des outils de calcul cohérents et simples, idéalement adaptés à la taille et au secteur d’activité du partenaire commercial. 

Engager les fournisseurs dans la même dynamique de réduction des émissions : comment ? 

Pour embarquer les fournisseurs, il faut communiquer avec eux sur les ambitions de l’entreprise, partager les attentes et objectifs, par exemple lors des rencontres fournisseurs. Il est important que la démarche soit incitative et progressive. L’idée est de s’adapter à la taille du fournisseur et son niveau de maturité. Il convient de l’accompagner pour qu’il se mette en marche vers le calcul, première étape dans la réduction de ses émissions.  

  • Faire un état des lieux pour lister les fournisseurs les plus émissifs, par exemple en ayant recours à la Carbon Heatmap d’EcoVadis, et les embarquer en priorité 
  • Sensibiliser les fournisseurs au travers de discussions sur l’enjeu carbone 
  • Définir des objectifs clairs en collaboration avec les fournisseurs  
  • Accompagner chaque fournisseur et définir un plan d’action pour réduire ses émissions

Acheteurs : chefs d'orchestre, influenceurs, ambassadeurs d’un travail d’équipe !

En 2022, le groupe Crédit Agricole a réalisé une Fresque du Climat dans laquelle les acheteurs ont été identifiés comme des “influenceurs”. 

  • Influenceurs entre pairs en participant par exemple à des groupes de travail entre acheteurs sur le sujet de la décarbonation 
  • Influenceurs en interne vis-à-vis des prescripteurs pour les sensibiliser à l’importance de la démarche
  • Influenceurs à l’externe vis-à-vis des fournisseurs 

Adlane Gharnaout, Account Manager, EcoVadis les a aussi qualifiés comme des “ambassadeurs” : « Les acheteurs, ce sont les ambassadeurs des entreprises car ils partagent la vision de l’entreprise et ses objectifs aux fournisseurs. Ils influencent également via leurs décisions achats, par exemple avec des exigences contractuelles, la prise en compte de critères RSE dans la revue annuelle des fournisseurs…» 

Lors de notre atelier UDA 2023, Séverine Dubois a clairement exprimé que la décarbonation est un travail d”équipe : « Les acheteurs sont en première ligne, ce sont les chefs d’orchestre bien sûr. Mais c’est d’abord un travail d’équipe. On va travailler avec les équipes centrales RSE qui vont coordonner l’ensemble des projets notamment les scopes 1 et 2. C’est un travail d’équipe aussi avec les prescripteurs et les clients internes puisqu’ils ont la connaissance technique des biens et services. Par exemple, si on revient sur les travaux, c’est le prescripteur qui va le mieux connaître les besoins et faire des spécifications pour réduire l’impact de la construction (ex : exiger un taux de réemploi minimum ou des matériaux moins carbonés). Et à l’externe, cette collaboration se traduit avec les fournisseurs qui vont proposer des leviers à activer. Par exemple pour les travaux de construction, des entreprises comme Eiffage ou Bouygues vont nous proposer de travailler avec un béton bas-carbone, des matériaux biosourcés et vont  s’engager aussi sur une part de réemploi. » 

Le pilotage commun de la décarbonation, c’est un cercle vertueux ! 

La décarbonation du scope 3 est un cercle vertueux, c’est une boucle qui s’initie avec l’ensemble de l’écosystème fournisseurs : les fournisseurs directs d’une entreprise vont devoir travailler avec leurs propres fournisseurs et ainsi de suite. L'empreinte carbone diminue donc de manière circulaire (rang 1,2,3..). 

« La relation acheteur / fournisseur a beaucoup évolué ces dernières années. Aujourd’hui, la décarbonation permet de se poser la question sur la bonne compréhension des enjeux de chacun. La bonne nouvelle c’est qu’on partage les mêmes objectifs sur ce sujet : nous devons ensemble décarboner les activités de nos entreprises. Il y a un intérêt commun et partagé » Séverine Dubois 

Le Crédit Agricole est en cours de réflexion sur une “moulinette” pour calculer l’empreinte carbone d’une prestation. Beaucoup de leurs fournisseurs proposent des méthodes, leurs clients aussi. Elles sont toutes différentes et donc pas forcément comparables entre elles. Il y a un intérêt de se réunir pour un effort partagé, d’unir les forces pour définir une moulinette commune. 

Donner les moyens aux acheteurs d’agir

Lorsqu’il s’agit de décarboner, il existe 4 facteurs clés pour faciliter la tâche aux acheteurs : 

  • avoir l’engagement de la Direction générale, comme pour tout projet stratégique
  • donner du sens (communiquer sur le projet auprès de toutes les parties prenantes)
  • définir des objectifs individuels (ou bien collectifs) de décarbonation pour les acheteurs
  • former les acheteurs et les fournisseurs

La formation peut être dispensée en interne, idéalement adaptée à chaque grande famille d’achats car les attentes ne sont pas les mêmes pour un acheteur de matériel que pour un acheteur de prestation. Le groupe Crédit Agricole a par exemple mis en place “la casa des achats” : ce sont de courtes vidéos pédagogiques pour les acheteurs sur les notions de base de la décarbonation.

La formation peut aussi être dispensée par un tiers de confiance externe. EcoVadis Academy, la plateforme d'apprentissage en ligne ouverte à l’ensemble du réseau, comprend des cours dédiés aux acheteurs, et d’autres à destination des fournisseurs.  

Agir sur le scope 3 est un investissement rentable ! 

Selon Séverine Dubois, décarboner est une question de survie avant tout : “Ceux qui n’y vont pas, vont rapidement être en difficulté car il va falloir prendre en compte l’impact carbone dans la compétitivité. Et évidemment, ces entreprises vont perdre des clients qui ont de plus en plus d’exigences RSE. Celles qui ne seront pas engagées seront malheureusement progressivement mises sur la touche. » 

Adlane Gharnaout, Account Manager, EcoVadis « La décarbonation est une opportunité pour les Achats de conduire le changement à grande échelle, et de renforcer son rôle de partenaire stratégique auprès des fournisseurs et de susciter l’innovation. Les entreprises qui sont engagées dans la décarbonation peuvent améliorer la réputation de leur marque, attirer de nouveaux clients, et augmenter leur rentabilité. Mais encore plus important, les Achats peuvent nous aider à relever le défi climatique auquel nous sommes confrontés en commençant à engager leurs fournisseurs dès maintenant. »  

Conformité réglementaire Carbone et scope 3 : entreprises de 250 salariés et +

Il y a un risque pour les entreprises qui ne s'engagent pas dans la voie de la décarbonation du scope 3. Le risque est tout simplement lié à la réglementation. Les législations évoluent et se durcissent, et les entreprises qui ne sont pas encore engagées se verront donc tôt ou tard pénaliser financièrement. 

« Baisser son empreinte carbone, c’est vraiment nécessaire mais aujourd’hui on sait que c’est obligatoire. Depuis 2012, les entreprises de plus de 500 salariés doivent réaliser leur bilan carbone. Mais la réglementation s’accélère puisque depuis le 1er janvier 2023 ces mêmes entreprises doivent réaliser leur scope 1, 2 et 3. Cette législation s'alourdira aussi avec la fameuse réglementation européenne (la CSRD) – le reporting extra-financier va aussi accroître ces obligations et le curseur va baisser car les entreprises de plus de 250 salariés seront aussi concernées. » Séverine Dubois  

Pour prendre en compte les normes environnementales, il faudra forcément à un moment donné modifier l’outil de production. Il vaut donc mieux saisir l’opportunité : « Oui, cela coûte cher de migrer la flottes de véhicules vers des véhicules propres, cela coûte cher d’isoler ces bâtiments, cela coûte cher de modifier son outil de production, mais c’est justement l’opportunité pour les entreprises de repenser leur activité au regard de cet enjeu de décarbonation » Séverine Dubois
 

Décarboner les Achats avec son écosystème et en faire un levier de rentabilité

Merci au Conseil National des Achats pour l'organisation des UDA 2023 ! Retrouvez ici la vidéo post-évènement et tous les évènements CNA à venir.

Pour visualiser l’intégralité de l’intervention de Séverine Dubois, Directrice achats en charge de la RSE, de la formation et de la communication, Groupe Crédit Agricole et d’Adlane Gharnaout, Account Manager, EcoVadis sur l’atelier “Décarboner les Achats avec son écosystème et en faire un levier de rentabilité“, cliquez ici.  

A propos de l'auteur

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EcoVadis gère une plateforme mondiale d’évaluation et de mutualisation des performances RSE utilisée par plus de 100 000 entreprises de toutes tailles dans 175 pays. EcoVadis combine un système d’information et un réseau d’experts pour mettre à disposition de ses clients acheteurs et fournisseurs des notations simples, fiables et comparables couvrant 200 catégories d’achat et 21 indicateurs (depuis les « émissions de CO2 » au « travail des enfants »).

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