Aller au delà des preuves documentaires fournies par les entreprises évaluées

June 1, 2022 Veronique Seel

Portrait de Yola Nayekoo, Sustainability News Research Manager EcoVadis et salariée pionnière d’EcoVadis

 

360 Watch, un atout essentiel de la méthodologie d’évaluation EcoVadis

L'un des principaux éléments distinctifs de la méthodologie d’évaluation RSE EcoVadis est l'intégration de multiples sources de données externes pour compléter la documentation et les preuves fournies par les entreprises évaluées. 

Le 360 Watch a entièrement été conçu et développé par les équipes EcoVadis. Simon Gargonne, Responsable Screening Adverse Media & Innovation Screening, supervise la méthodologie et la qualité de la recherche de la veille 360°. “Le 360 Watch vient compléter les autres sources de tiers, tels que les audits sur site, les bases de données compliance ou bien encore les initiatives de type workersvoice comme autant de data points  supplémentaires mis à la disposition des analyses EcoVadis lors de la phase d’évaluation. Cet atout essentiel propre à notre méthode d’évaluation répond à deux de nos principes fondateurs : une analyse fondée sur des preuves documentaires mais aussi la prise en compte des sources de parties prenantes externes telles que l’open government, les ONGs et la société civile”. 

 

Distinguer 360 Watch et LMN Live News Monitoring ?

Alimentée par plus de 180 000 sources externes au total, une équipe de 23 personnes dirigée par Yola Nayekoo collecte quotidiennement les “nouvelles” et les classe. Une partie de ces contributions de parties prenantes externes sera prise en compte dans le processus de notation EcoVadis, sous un indicateur qui fait partie intégrante de la notation, le 360 Watch.

Le processus de sélection des “nouvelles” qui seront prises en compte combine l'intelligence artificielle et l'analyse humaine pour identifier pour chaque entreprise évaluée les plus pertinentes le plus souvent sur les cinq dernières années, tant positives que négatives. Ces informations sont complétées par des données provenant de la base de données mondiale d'informations réglementaires (GRIDTM), via RDC Regulatory Datacorp.

 

 

L’ensemble des “nouvelles” collectées, sans impact direct sur les thèmes de l’évaluation mais contenant malgré tout des informations intéressant potentiellement les donneurs d’ordre, sont retraitées quotidiennement sous un flux, le “EcoVadis Live News Monitoring”. Cet outil de veille puissant, accessible sur la plateforme EcoVadis, alimenté quotidiennement, permet de suivre 24/7 toutes les actualités positives et négatives ayant trait aux activités des entreprises évaluées.

Le 360 est une photographie réalisée au moment de l’évaluation qui est ensuite relayée par le système de monitoring LNM jusqu’à la prochaine évaluation RSE.


> Une brochure en français est disponible “Observations « Veille 360° » & Live News

 

Trois questions à Yola Nayekoo, Sustainability News Research Manager

1/ Yola, quel est ton métier et comment en es-tu arrivée à cette spécialisation en veille RSE ? 

Yola : J’ai étudié l’Histoire-Ethnologie avec une spécialisation sur l’Asie du Sud à Paris. Je me suis tout d'abord tournée vers la recherche. J’ai notamment travaillé en tant que chercheur pour la Commission Justice et Vérité de l’île Maurice sur les problématiques de l’esclavage dans l’Océan Indien mais ma curiosité et la soif d’apprendre m’ont poussée vers un cursus complémentaire en Commerce International toujours avec spécialisation sur l’Asie du sud à l’Inalco. 

J’ai découvert la RSE lors d’un premier stage au sein d’une entreprise en Suisse en tant qu’analyste d’information  éthique. Souhaitant continuer dans ce domaine et bénéficiant déjà d’une petite expérience sur le sujet, j’ai intégré EcoVadis en 2011. A l’époque, nous étions une start-up d’une trentaine d’employés contre plus de 1 000 collaborateurs dix ans plus tard ! 

J’ai commencé en tant que stagiaire au sein du département Supplier Engagement (SEN). Chaque membre SEN gérait un client donneur d’ordre spécifique, depuis le lancement de campagne, la qualification et le ciblage des entreprises, la création du questionnaire de collecte des informations et des documents, le support aux entreprises évaluées et bien entendu la veille pour toutes les entreprises de la campagne d’évaluation ! L’augmentation du nombre d’évaluations a conduit tout naturellement à la spécialisation des équipes, je me suis tournée vers la veille pour laquelle j’avais une certaine affinité. Richard Bourne (SVP Rated Company Engagement) m’a fait confiance et nous avons créé une équipe dédiée à la veille, j’ai recruté personnellement tous les membres de l’équipe de recherche et certains sont toujours là, après 7 ou 8 ans ! 

Au fil des années, la veille 360 est devenue un contenu stratégique de la fiche d’évaluation. Depuis avril 2021, notre équipe est intégrée au département d'évaluation (EVS) en collaboration avec les équipes Méthodologie de Simon Gargonne. De réelles synergies étaient possibles et le pas a donc été franchi l’an dernier. Nous sommes aujourd’hui 23 membres dans l’équipe, basés à Maurice, Paris et Varsovie. Nous recrutons cette année 3 membres supplémentaires.

 

2/ Quels sont à présent les volumes de données traitées en veille externe ? 

Yola : Nous sommes passés en quelques années de 2,500 à plus de 180,000 sources pour 360 Watch et le Live News Monitoring. Nous effectuons nos recherches dans 30 langues différentes, avec des locuteurs natifs mandarins, russes, japonais, anglais, espagnols, italiens, allemands, français…

Chaque semaine, notre système collecte 200 000 articles et nouvelles, qui sont traités (doublons, pertinence…) et classés. 

Sur une base mensuelle, sur les 800 000 nouvelles collectées en moyenne par datacrawling, 20 à 25 000 seront traitées dans le Live News Monitoring. Par an, c’est donc 240 000 nouvelles qui sont retraitées, enregistrées dans le LNM puis diffusées aux clients selon leur portefeuille.

Dans une étude publiée en 2021 par Moody’s sur des données similaires, “Assessing the maturity and integration of sustainability factors in European industry” les auteurs font état de 3 655 nouvelles controverses ESG collectées sur l’année 2020 ayant un impact sur 1 413 entreprises. La moitié de ces cas étaient liés à des entreprises dont le siège social était en Europe ou avec un impact physique sur des territoires en Europe. Plus de 50 % de toutes les controverses capturées en Europe en 2020 par Moody’s étaient liées à des questions sociales. Une hausse constante des controverses liées au climat est aussi confirmée dans cette étude.

De notre côté, à fin 2021, nous comptabilisons un total de 24 786 nouvelles positives et négatives pour 360 Watch sur une période de 5 ans minimum selon les enjeux RSE. Les méthodes de calcul et périodes de référence diffèrent, mais ces résultats montrent bien non seulement l’augmentation mais aussi l’importance de la collecte et du traitement de toutes ces informations externes dans une évaluation RSE d’une entreprise. 

Grâce à l'implémentation de l’intelligence artificielle, nous sommes en mesure de traiter beaucoup plus d'articles et de nouvelles quotidiennement. Nous étions la première équipe EcoVadis a intégrer l’intelligence artificielle dans nos processus. Nous collaborons par exemple depuis plusieurs années avec la plateforme d'impact sourcing Isahit pour entraîner notre algorithme d’identification et de classement des articles de presse RSE (positifs et négatifs) collectés chaque jour. Nous nous tournons à présent vers plus d’automatisation, sans sacrifier la touche humaine qui reste cruciale dans la revue et l'analyse des articles sélectionnés.

Annoncé lors de notre conférence annuelle Sustain, un nouveau développement en cours porte par exemple sur l'intégration des données LNM dans l’outil de cartographie IQ.

 

3/ Après deux ans de crise : quel retour d’expérience de ton métier de veille RSE ?

Yola : Les lois et réglementations -FCPA aux États-Unis, la loi Sapin II en France ou encore la loi britannique de lutte contre la corruption, projet de devoir légal de vigilance européen- ont rendu les entreprises encore plus responsables de la connaissance des infractions en matière de développement durable. Mais pour de nombreuses entreprises, il est difficile de découvrir, d'anticiper et de gérer ces informations par elles-mêmes, au regard de la taille des portefeuilles et des différences réglementaires régionales. 

Ce besoin d’information s’accentue en temps de crise. Nos donneurs d’ordre cherchaient à avoir le plus d'informations possible sur les éventuelles perturbations de leur chaîne d'approvisionnement dues au virus. Lors de la crise et la pandémie, au niveau des chaînes d’approvisionnement les impacts portent sur la santé et la sécurité, sur les mesures préventives mises en place des employés aux clients, les conditions de travail. Le congé maladie par exemple était au cœur de nombreuses controverses relevées. Les controverses relevées pouvaient aussi porter sur la perte immédiate d’activité (licenciements) lors de fermetures de lieux de production ou de baisses brutales de niveaux de commandes (annulation ou report), des cas de contaminations, de distribution de dividendes ou bien encore de procédures  judiciaires.  

Nous avons le même cas actuellement avec la guerre en Ukraine : comment certaines entreprises protègent-elles leurs salariés sur place ? Comment certaines entreprises préfèrent également se retirer  de Russie... Le Live News monitoring permet de collecter ces informations dont nos clients sont demandeurs.

Cela renforce ma conviction qu’il n'a jamais été aussi crucial pour une entreprise d'être informée en temps réel de toute controverse révélée par les ONG, la presse ou d’autres parties prenantes sur des questions éthiques, sociales et/ou environnementales des partenaires de sa chaîne d'approvisionnement.

…L’avenir sera définitivement à de plus en plus de volume de données traitées. Nous y sommes préparés !

Merci à Yola Nayekoo pour cet entretien. 

 

A propos de l'auteur

Veronique Seel

Véronique Seel has been creating French content (data/studies/analysis and interviews) for EcoVadis since 2017. A graduate of the Conservatoire National des Arts et Métiers (Paris) in Engineering and B2B Marketing, Véronique progressively specialized in CSR and sustainability during her time as consultant for Vigeo Eiris, then helped BNP Paribas Cardif to create a Sustainable Development department, followed by three years contributing to cleantech and mobility projects in the European Atlantic Area. Véronique Seel is a partner of the Coapi cooperative based in La Rochelle, France.

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