Analyse de Nils Pedersen, Délégué général du Pacte mondial de l’ONU - Réseau France
À l’occasion de la 79e Assemblée générale des Nations Unies, les dirigeants du monde entier ont adopté le Pacte pour l’avenir, qui représente une étape décisive pour redéfinir une trajectoire ambitieuse vers l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). Adoptés à l’unanimité en 2015 par les États membres de l’ONU, ces 17 Objectifs visent à éradiquer la pauvreté, protéger la planète et améliorer le quotidien de toutes les personnes partout dans le monde. C’est le premier agenda onusien appelant les États mais aussi le secteur privé, les associations et les citoyens à agir dans la même direction. En parallèle, le débat public français ignore trop souvent cette dynamique mondiale, en restant centré sur nos crises nationales. Il est temps d’élargir notre perspective : les défis d’aujourd’hui sont interconnectés, et seule une action collective est à la hauteur des enjeux.
Aborder des problématiques comme la biodiversité, l’égalité femmes-hommes ou le salaire décent à une échelle nationale est nécessaire, mais cela ne doit pas se faire au détriment de leur compréhension globale. Prenons l’exemple des émissions de CO2 : bien que la France ait réduit ses émissions domestiques depuis 1995, cette baisse ne prend pas en compte les émissions importées, liées à la production des biens consommés en France mais fabriqués à l’étranger. Ainsi, plus de 50 % de notre empreinte carbone est désormais externalisé14. Cela doit renforcer notre responsabilité et souligne l’urgence d’une approche globale, intégrant les chaînes d’approvisionnement mondialisées.
Le rôle de la science est fondamental, mais celui-ci ne doit pas se restreindre aux simples émissions de CO2 et au changement climatique, et le Pacte pour l’avenir l’a bien saisi, en mettant également l’accent sur le rôle de l’intelligence artificielle et des biotechnologies et surtout les enjeux de contrôle des potentielles dérives, de transparence, et de gouvernance efficace pour assurer une diffusion globale des technologies essentielles . Le Pacte a réaffirmé l’innovation comme un pilier majeur, mais les entreprises, bien que leur rôle soit majeur, ne pourront pas apporter des réponses seules, et cela requerra davantage de coopération avec la société civile et les pouvoirs publics.
Pour entraîner un changement systémique mondial, le multilatéralisme est indispensable. Les entreprises, individus et activistes jouent un rôle clé, mais un véritable changement sociétal nécessite compromis et diplomatie. Le Secrétaire général des Nations Unies est notamment particulièrement attentif à la place de la jeunesse dans le débat public et sa représentation dans les institutions, et le Pacte vise précisément à la positionner au cœur des débats. Un autre enjeu majeur concerne la représentation des pays du Sud global, car l’atteinte des ODD ne pourra se faire sans leur pleine intégration aux mécanismes de gouvernance internationale. Nous devons nous détacher de ces silos onusiens traditionnels, ce qui passe à la fois par davantage de représentativité, mais aussi par une modernisation des processus de gouvernance, pour des réponses réellement adaptées aux enjeux contemporains.
L’Europe doit affirmer son leadership, même face aux États-Unis, où l’ESG est remis en question. Faire adhérer tous les acteurs à l’Agenda 2030 prendra du temps. Les Objectifs de développement durable (ODD) doivent être utilisés comme un outil global, pas seulement un ensemble d’objectifs individuels. Ils constituent une boussole universelle pour répondre aux défis mondiaux et éviter la régression sociale.
Bien au-delà de l’Accord de Paris sur le climat, l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs fournissent à tous les acteurs un cadre d’action universel sur tous les enjeux du développement durable. Les entreprises doivent se positionner en tant qu’acteurs clés dans cette dynamique. Les Nations Unies l’ont rappelé en juin dernier : seules 17 % des cibles des ODD sont en bonne voie, alors que l’échéance de 2030 approche. Ce constat nous invite à interroger notre contrat social : l’État ne peut pas tout. Il doit davantage réguler et coordonner, et ainsi inciter la société civile, incluant entreprises, associations et citoyens, à agir avec plus de légitimité.
Les entreprises ont en ce sens un levier d’action conséquent par des partenariats public-privé, privé privé, mais aussi avec des organisations de la société civile. Prenons l’exemple du salaire décent : certaines entreprises s’appuient sur des ONG pour sa mise en œuvre, ce qui est peu ancré dans la culture française. Pourtant, c’est par de telles collaborations que nous pourrons réellement progresser sur ce chemin complexe.
Alors que la réglementation extra-financière se renforce au sein de l’Union Européenne, il est urgent de passer d’une logique de normes à une logique de résultats. Si la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) constitue une avancée majeure, en renforçant cette notion de responsabilité (accountability) et de reconnaissance de ses impacts tant positifs que négatifs, elle ne représente pas véritablement un cadre de transformation.
Face aux 4 200 milliards de dollars de financement annuel nécessaires pour atteindre pleinement les ODD, les entreprises ont un rôle crucial à jouer en alignant leurs investissements avec ces objectifs. Il ne s’agit pas de solliciter les finances publiques, déjà sous pression, mais d’activer le levier de transformation des entreprises, en intégrant l’ensemble de leur chaîne de valeur, en favorisant l’innovation technique ou sociale et en créant des synergies avec tous les acteurs.
Cette approche multilatérale, mobilisant toutes les parties prenantes, est au cœur du Pacte pour l’avenir. Face à cet immense défi, chaque acteur – États, entreprises, et société civile – doit dialoguer et jouer son rôle dans la construction d’une réponse collective. Pour dépasser les déclarations d’intention, les États doivent instaurer des cadres réglementaires harmonisés, tandis que les entreprises, avec leurs ressources et leur capacité d’innovation, doivent se mobiliser pour transformer ces objectifs globaux en actions concrètes. Tout cela ne se fera pas du jour au lendemain, et nécessite une transformation profonde des modèles d’affaires, qui doit s’appuyer sur davantage de leadership et de transparence.
Malgré ses imperfections, l’Agenda 2030 reste notre meilleur levier pour structurer des actions cohérentes et répondre efficacement à l’urgence des défis mondiaux. Avec les ODD, le monde s’est doté d’une grille de lecture commune, qui doit nous permettre de dépasser les tentations de repli national et les risques de régression sociale et environnementale. Emparons-nous de cet outil pour construire ensemble un futur durable, en ne laissant personne de côté.
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À propos du Pacte mondial de l’ONU - Réseau France
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