Comment mesurer la corruption ?

November 7, 2018 Veronique Seel

 

Tour d’horizon des outils et mesures sur les questions de corruption

 

Comment disposer de chiffres certains sur la corruption, puisque la corruption, par essence, comprend généralement des activités illégales, qui sont délibérément dissimulées et ne sont révélées qu’à travers des scandales, des enquêtes et des poursuites judiciaires ?

 

L’absence d’une mesure objective est soulignée par l’Agence Française Anticorruption (AFA) dans son rapport annuel d’activité : Par nature occulte, la corruption ne se laisse que difficilement mesurer. Cette évaluation objective est pourtant un préalable indispensable, d’une part, à toute réflexion sur ses causes et ses conséquences et, d’autre part, à la définition et à la mise en œuvre d’une politique publique tendant à la faire reculer. La mesure de la corruption se fait principalement aujourd’hui en France par référence aux condamnations prononcées par les juridictions pénales. Elle est donc fatalement incomplète.

 

En préambule à l’édition prochaine de l’étude internationale EcoVadis « Qualité des systèmes anti-corruption dans les entreprises » qui couvre les 18 premiers mois de mise en application de la loi Sapin 2, voici quelques outils d’études disponibles sur les questions de corruption.

 

L’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International (CPI) est sans doute le plus connu et reconnu.

 

A l’aide de son indice publié tous les ans, l’ONG continue de dénoncer l’ampleur du problème : 68% des pays du monde ont un grave problème de corruption. La moitié des pays du G20 en font partie… La France est en 23ème position dans le classement (score 70/100), très loin derrière le top 5 constitué par la Nouvelle Zélande, le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suisse dont les scores sont à 85/100 et plus.

  • Cible : niveau de corruption dans le secteur public.
  • Mode : étude de perception
  • Sources : compilation de données secondaires / 12 différentes sources de données de 11 institutions qui enregistrent les perceptions de la corruption sur un an / 180 pays
  • Fréquence : annuelle

 

Comment est-il calculé ?

Sa méthode de calcul est en soit une preuve de la difficulté à obtenir des données fiables sur ces questions. Il s’agit d’une « perception » fondée sur un corpus de données publiées. Le compte rendu annuel réalisé par l’ONG n’est donc pas exhaustif sur l’état de la corruption dans le monde. De plus, il se concentre sur le secteur public : l’indice rassemble des données provenant de différentes sources qui donnent des indications sur la perception qu’ont les milieux d’affaires et les experts nationaux du niveau de corruption dans le secteur public. Il ne porte pas sur les pratiques des entreprises en matière de prévention de la corruption.

 

“L’étude internationale EcoVadis se penche sur la qualité des systèmes anti-corruption des entreprises selon leur pays d’implantation, et à cet égard, est différente de l’index corruption de Transparency qui regarde la perception du niveau de corruption dans un pays. La corrélation CPI avec nos propres données et les scores éthiques par pays est abordée dans notre étude ” Sylvain Guyoton, Senior Vice-President Research EcoVadis

 

A contrario, l’enquête internationale EY sur la fraude et la corruption, se concentre sur les entreprises, sur la base de 2 550 entretiens de cadres.

  • Cible : entreprises
  • Mode : entretiens individuels
  • Echantillon 2018 : 2 550 collaborateurs de grandes entreprises entre octobre 2017 et février 2018 / 55 pays
  • Fréquence : annuelle

 

La 15ème édition de l’étude EY rappelle les enjeux des entreprises en matière de lutte contre la fraude et la corruption. Les résultats 2018 soulignent que la fraude et la corruption sont considérées comme faisant partie des principales menaces auxquelles les entreprises sont confrontées aujourd’hui, y compris sur les marchés développés :

 

“Malgré des améliorations dans certains pays, notre étude indique que la fraude et la corruption n’ont pas décliné dans le monde ces deux dernières années. Certes, la fraude et la corruption demeurent plus fréquentes sur les marchés émergents, mais une minorité non négligeable des répondants affirment que la corruption est également courante sur les marchés développés.”

 

Autre fait saillant, le délai observé entre la promulgation des lois et la matérialisation d’un changement au niveau des organisations :

 

“Au cours des deux dernières années, les amendes imposées par les gouvernements ont battu des records, avec l’application de sanctions bien plus sévères au Brésil, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suisse, notamment. De plus en plus de gouvernements continuent à adopter et à faire appliquer des lois anti-corruption. Pourtant, les résultats de l’étude à l’échelle internationale montrent que les cas de fraude et de corruption n’ont pas diminué depuis 2014.”

 

Autre fait marquant, qui fait écho à la méthodologie EcoVadis et ses trois niveaux d’investigation (politiques, actions et résultats), l’écart entre le message transmis par la direction et les conduites effectivement observées au sein de l’organisation. À la question de savoir si leur organisation possède une politique anti-corruption et/ou un code déontologique, 97% des directeurs de compliance, et 92% des directeurs d’audit interne ont déclaré que c’était le cas. Ce chiffre, significativement plus faible (77%) chez les répondants vente/marketing indique que, bien que des politiques de haut niveau soient en place, des employés clés au sein des organisations n’en sont pas encore suffisamment conscients. Plus préoccupant, 29% des employés des départements marketing/commercial et 20% des autres managers n’ont pas su décrire la méthodologie de due diligence en vigueur dans leur organisation et seulement la moitié (56%) de ceux qui sont généralement responsables d’engager un tiers.

 

“Notre étude internationale repose sur un échantillon de 20 000 entreprises évaluées de janvier 2017 à fin juin 2018 par EcoVadis. La qualité du management des enjeux de corruption est mesurée sur 7 indicateurs de politiques, actions et résultats, fondée sur des preuves. Contrairement à l’étude EY, nous n’avons interrogé personne, nous utilisons les résultats des évaluations fondées sur des pièces justificatives et nos 2 500 sources externes, dont Regulatory DataCorp, Inc.,(RDC) la plus grande base de données en open source sur les risques au monde (personnes politiquement exposées (PEP), veille marchés émergents, corruption, fraude, criminalité. ” Sylvain Guyoton, Senior Vice-President Research EcoVadis

 

Sur les entreprises spécifiquement, le suivi exhaustif des condamnations et controverses est indispensable, comme le “All time Top ten FCPA list”.

2018, nouveau record du géant brésilien de l’énergie, Petrobras, qui vient de conclure le plus important accord FCPA de l’histoire et prend la première place du classement avec 1,78 milliard $.

Au delà des montants, ces listes permettent d’observer l’implantation des entreprises concernées (seules 2 entreprises sont américaines…) et l’origine du dommage, le plus fréquemment impliquant des tiers :

1. Petróleo Brasileiro S.A. – Petrobras (Brésil): $1.78 milliard en 2018.
2. Telia Company AB (Suède): $965 millions en 2017.
3. Siemens (Allemagne): $800 millions en 2008.
4 VimpelCom (Hollande) $795 millions en 2016.
5. Alstom (France): $772 millions en 2014.
6. Société Générale S.A. (France): $585 millions en 2018.
7. KBR / Halliburton (USA): $579 millions en 2009.
8. Teva Pharmaceutical (Israel): $519 millions en 2016.
9. Keppel Offshore & Marine Ltd.(Singapour): $422 millions en 2017.
10. Och-Ziff (USA): $412 millions en 2016.

 

En matière de prévention de la corruption, connaître et suivre les pratiques éthiques de ses tiers est essentielle. Les 50 000 entreprises présentes sur la plateforme d’évaluation et de mutualisation des performances RSE EcoVadis sont toutes des fournisseurs…

Le sujet vous intéresse ?

Vous êtes disponible 30 minutes le mardi 20 novembre ?

Inscrivez-vous au webinaire organisé en partenariat avec le Medef :

Etude internationale EcoVadis « Qualité des systèmes anti-corruption dans les entreprises » – Mesure des performances éthiques de 20 000 entreprises dans le monde (Janvier 2017/Juin 2018)

Vous recevrez automatiquement l’étude à sa parution !

 

 

A propos de l'auteur

Veronique Seel

Véronique Seel has been creating French content (data/studies/analysis and interviews) for EcoVadis since 2017. A graduate of the Conservatoire National des Arts et Métiers (Paris) in Engineering and B2B Marketing, Véronique progressively specialized in CSR and sustainability during her time as consultant for Vigeo Eiris, then helped BNP Paribas Cardif to create a Sustainable Development department, followed by three years contributing to cleantech and mobility projects in the European Atlantic Area. Véronique Seel is a partner of the Coapi cooperative based in La Rochelle, France.

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