Favoriser un comportement durable et responsable des entreprises tout au long des chaînes de valeur mondiales : la proposition de directive européenne est (enfin) publiée !
Source : Au delà de l’évaluation RSE
Avant la mise en application du devoir de vigilance norvégien prévue en juillet prochain, l’année 2022 démarre avec l’adoption par la Commission européenne le 23 février 2022 d’une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité qui va à présent être soumise à l'approbation du Parlement européen et du Conseil.
Une fois la directive adoptée, les 27 États membres auront alors deux ans pour la transposer en droit interne et communiquer les textes correspondants à la Commission.
“La directive impose une évaluation des risques sur les chaînes de valeur, et exige des entreprises qu'elles prennent des mesures si nécessaire, puisqu'elle les oblige à identifier, atténuer et remédier aux impacts négatifs. Pour suivre ces étapes, les entreprises doivent connaître les partenaires commerciaux de leur chaîne d'approvisionnement et travailler avec ceux qui présentent des risques, y compris les fournisseurs situés bien plus en amont dans la chaîne. Si les différentes composantes de la directive européenne sur le devoir légal de vigilance des entreprises créent des risques de non conformité pour les entreprises soumises à ses dispositions, la directive ouvre également des opportunités pour les entreprises qui ont déjà engagé ce dialogue avec leurs partenaires et connaissent les pratiques RSE de leur réseau de fournisseurs.”
Hannah Roberts, Sustainability Ratings Team Leader at EcoVadis “The EU Proposal on Corporate Sustainability Due Diligence is Here – How Will It Impact Your Organization?”
Combien d’entreprises sont directement concernées ?
En additionnant les deux groupes d’entreprises 1 et 2 définis dans la proposition, à la fois basées dans l’Union européenne et ailleurs dans le monde, la première estimation est de 17000 entreprises de plus de 250 salariés sous le périmètre direct de la directive européenne à deux ans :
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12 000 entreprises de plus de 500 salariés seraient sous le périmètre dès son adoption, dont 28% basées hors UE,
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Suivies par 5000 autres entreprises, deux ans plus tard, dont 41% hors UE.
source : Corporate sustainability due diligence note
Le périmètre de la proposition de directive européenne à février 2022 :
Entreprises de l'UE :
Groupe 1 : toutes les sociétés à responsabilité limitée de l'UE de grande taille et ayant un pouvoir économique important employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d'affaires net supérieur à 150 millions d'euros à l'échelle mondiale.
Groupe 2 : d'autres sociétés à responsabilité limitée exerçant des activités dans des secteurs à fort impact définis (ie textile, agriculture, extraction-mines) qui n'atteignent pas les deux seuils du groupe 1, mais emploient plus de 250 personnes et réalisent un chiffre d'affaires net de 40 millions d'euros et plus à l'échelle mondiale.
Entreprises de pays tiers actives dans l'UE :
Les entreprises dont le seuil de chiffre d'affaires est aligné sur celui des groupes 1 et 2 et dont le chiffre d'affaires est réalisé dans l'UE.
Les petites et moyennes entreprises (PME) seront impactées indirectement
L ’objectif de la directive est de “remédier aux incidences négatives sur les droits de l'homme et l'environnement”, elle s'applique donc à la fois aux opérations propres aux entreprises, à leurs filiales et à leurs chaînes de valeur à la fois sur les relations commerciales établies de manière directe et indirecte. L’ ensemble de ces entreprises seront tenues de :
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intégrer le devoir de vigilance dans les politiques;
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recenser les incidences négatives réelles ou potentielles sur les droits de l'homme et l'environnement;
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prévenir ou atténuer les incidences potentielles;
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mettre un terme aux incidences réelles ou les réduire au minimum;
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établir et maintenir une procédure de réclamation;
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contrôler l'efficacité de la politique et des mesures de vigilance;
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et communiquer publiquement sur le devoir de vigilance.
«Si certaines entreprises européennes jouent déjà un rôle de premier plan dans les pratiques d'entreprise durables, nombre d'entre elles sont encore confrontées à des difficultés pour comprendre et améliorer leur empreinte environnementale et leur bilan en matière de droits de l'homme. En raison de la complexité des chaînes de valeur mondiales, il est particulièrement difficile pour les entreprises d'obtenir des informations fiables sur les activités de leurs fournisseurs. La fragmentation des règles nationales ralentit encore les progrès accomplis dans l'adoption de bonnes pratiques. Notre proposition permettra de faire en sorte que les grands acteurs du marché jouent un rôle de premier plan dans l'atténuation des risques dans l'ensemble de leurs chaînes de valeur, tout en aidant les petites entreprises à s'adapter aux changements.»
Thierry Breton, commissaire au marché intérieur (communiqué de presse)
Si les petites et moyennes entreprises (PME) ne relèvent pas directement du champ d'application de cette proposition, elles seront impactées indirectement ! La proposition comprend donc également des mesures d'accompagnement qui “soutiendront toutes les entreprises, y compris les PME, susceptibles d'être indirectement touchées. Les mesures comprennent le développement, individuellement ou conjointement, de sites web, de plateformes ou de portails dédiés, ainsi qu'un soutien financier éventuel aux PME”.
Quatre ans d’expérience en France
Les directions achats de grandes entreprises françaises en sont déjà à 4 publications d’un Plan de vigilance et d’exercice de leur responsabilité. En France, selon l’étude de l’association Edh (Association Entreprises pour les droits de l’homme) sur le troisième exercice d’application de la loi française : 90 % des grandes entreprises françaises soumises au devoir légal de vigilance mentionnaient avoir établi une cartographie des risques achats à l’occasion du plan de vigilance du Groupe, dont la moitié avec un ou plusieurs risques identifiés, contre 80% sur l’année précédente.
Ainsi que le rappelait Charlotte Michon, co-auteure de l’étude annuelle Edh, si “les cartographies et les réponses globales sont bien formalisées, l’enjeu aujourd’hui pour les entreprises est d’aller encore plus loin dans la gestion de leurs risques les plus saillants et de dépasser des approches tick the boxes ; cela leur permettra aussi d’anticiper les futures réglementations, comme la directive européenne à venir sur le devoir de vigilance”
La collaboration des différentes directions et le rôle majeur des Achats dans le plan de vigilance a achevé le changement de posture de la fonction Achat et sa place dans la stratégie globale de l’entreprise. Dans l’ensemble du dispositif et des indicateurs mis en place, l’évaluation RSE des partenaires commerciaux est un point de départ et non une fin en soi ! Découvrez comment dans ce nouveau livre blanc “Au delà de l’évaluation RSE”.
Et maintenant ?
"Les négociations vont commencer avec le Parlement européen, qui avait adopté un rapport plus ambitieux en 2021, et les 27. La France en a fait une priorité de la présidence française du Conseil de l’UE mais tous les Etats ne sont pas au diapason et l’’agenda des prochains mois risque d’être bouleversé par les derniers événements ukrainiens. Le texte ayant la qualité de « directive », il doit de plus être transposé par les 27 pour intégrer les droits nationaux des Etats membres, c’est-à-dire discuté dans leur parlement et éventuellement enrichi, ce qui porte l’horizon d’application aux alentours de 2025/2026." Source : Le Grand Ecart #5
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