Par Pierre-François Thaler et Matias Pollmann-Larsen
Accorder une place prépondérante aux pratiques de développement durable dans les programmes d'approvisionnement des entreprises permet de réduire les coûts, d'améliorer la réputation de la marque et de renforcer les relations avec les parties prenantes. Selon un rapport récent d'Accenture et d'EcoVadis, « l'atteinte des objectifs et engagements de l’entreprise en matière de développement durable » constitue l'une des principales motivations pour 71 % des programmes d'approvisionnement en 2024, une hausse de 13 % par rapport à 2021.
Les pratiques d'achats responsables englobent l'intégration de critères spécifiques dans les politiques d'achat. Par exemple, les fournisseurs doivent respecter des normes environnementales telles que la réduction des émissions de CO2et l'utilisation de matériaux durables. Les fiches d'évaluation RSE des fournisseurs mesurent des aspects tels que l'utilisation de l'eau, l'efficacité énergétique mais aussi l’éthique des pratiques sociales. Ces critères et indicateurs guident la sélection des fournisseurs, les appels d'offres et la gestion des relations, ce qui aide les entreprises à contrôler les performances des fournisseurs par rapport aux objectifs de développement durable et encourage l'amélioration continue.
Notre étude a analysé les programmes d'approvisionnement de près de 600 entreprises à travers le monde. Environ 10 % de ces programmes se distinguent par une maturité élevée dans la gestion responsable de leur chaîne d'approvisionnement.
Qu'est-ce qui caractérise la maturité élevée de ces programmes ? Nous avons identifié cinq facteurs clés de succès pour exceller comme ces responsables de programmes :
- Bâtir de bonnes alliances au bon endroit est primordial pour réussir. Ces responsables de programmes privilégient une collaboration continue et axée sur l'action avec les parties prenantes. Il s'agit essentiellement de convaincre le top management et leurs pairs des résultats des initiatives achats responsables - de manière continue et avec des données à l'appui. Si vous parvenez à établir un argumentaire solide, les ressources suivront.
Les alliés des achats pour un programme d’approvisionnement responsable à fort impact résident au sein des départements financiers, conformité, développement durable, opérations, marketing. Les dirigeants de ces départements jouent donc un rôle clé dans l'augmentation des budgets et dans l'évolution des comportements organisationnels. Leur adhésion est l'un des facteurs les plus importants pour accélérer les programmes achats responsables, bien qu’actuellement seule la moitié des organisations ont un programme soutenu par les C-Level.
2. Privilégier la primauté des données. Dans la quête d'achats durables, les données jouent un rôle crucial. Elles guident les décisions et permettent de réaliser un suivi précis des KPIs de durabilité, garantissant ainsi le soutien des parties prenantes internes. Les responsables des achats intègrent désormais directement les indicateurs clés de performance ESG de leurs fournisseurs dans leurs logiciels d'achat qu’ils utilisent au quotidien, de sorte à faciliter la prise en compte de ces critères de durabilité.
Cependant, cette intégration numérique demeure limitée, avec seulement 25 % des entreprises l’adoptant dans leur analyse des dépenses, tandis que la gestion des relations fournisseurs (8 %) et les systèmes d’appels d’offres (6 %) peinent à suivre.
3. Engager pleinement les fournisseurs. Les responsables d’achats reconnaissent l'importance cruciale de l'engagement des fournisseurs dans l'accélération de l'adoption de pratiques durables. Au-delà de l'intégration des données RSE des fournisseurs dans les processus d'achat, ces derniers doivent s'engager à respecter les objectifs de durabilité de l'entreprise. Cet engagement doit faire l'objet d'une évaluation et d'audits réguliers - une pratique adoptée par moins de la moitié des programmes “standards” avec une combinaison de notations ESG tierces et d'autres outils de transparence.
Les programmes qui suivent cette approche collaborative avec leurs fournisseurs sont généralement associés à des initiatives plus poussées, telles que la mise en place d’actions correctives, un soutien actif à l'établissement d'objectifs et d'actions de réduction des émissions de CO2, ainsi que des programmes de formation en ligne ou d'innovation. Ces initiatives favorisent l'amélioration des pratiques ESG des fournisseurs et enrichissent les données et les informations disponibles.
4. La technologie au service de la transparence à tous les niveaux. Environ la moitié des entreprises comprennent bien les pratiques de durabilité de plus de 50 % de leurs fournisseurs de rang 1, mais de moins de 5 % de leurs fournisseurs de rang 2. Plus on remonte dans la chaîne d'approvisionnement, plus la visibilité diminue. Les entreprises les plus avancées utilisent des outils technologiques de cartographie des risques et de points chauds. Ces outils guident la décarbonation et d'autres priorités ESG, identifient les risques et orientent les stratégies d'engagement. Ils aident aussi à investir dans des pratiques d'approvisionnement responsable.
L'intégration de l'IA générative dans les fonctions de la chaîne d'approvisionnement promet de faciliter encore davantage la transparence. Par exemple, Accenture a développé un navigateur de chaîne d'approvisionnement n-tier. Ce navigateur permet aux responsables des achats d'analyser en temps réel les vulnérabilités du réseau d'approvisionnement. Une autre solution d'IA générative offre des informations quasi instantanées sur les rapports d'émissions Scope 3 des fournisseurs. Elle améliore aussi la visibilité ESG et la gestion des risques.
5. Assurer aux équipes d'achats les compétences adéquates. Pour un approvisionnement durable, les entreprises ont besoin d'une main-d'œuvre compétente en ESG et motivée. Beaucoup d'entreprises doivent encore progresser sur ce point, selon les fournisseurs. Dans notre étude, 43 % des fournisseurs ont affirmé que les engagements de leurs clients en matière de développement durable étaient surtout théoriques. Les responsables des achats intègrent la durabilité dans les descriptions de poste, promotions et rémunérations des acheteurs et autres responsables. Cela encourage une approche plus stratégique du développement durable.
Les entreprises avancées en achats responsables notent une meilleure gestion des risques et une résilience accrue. Elles rapportent aussi une amélioration de leurs produits ou de leur marque employeur. Cependant, cet effort est itératif. On commence souvent par champ d’action spécifique : par exemple une région ou une catégorie. Ensuite, on élargit après avoir obtenu les premiers résultats. Pour déterminer la bonne direction, il faut d'abord évaluer sa position actuelle. La première étape consiste à comparer votre programme et vos pratiques d'achats responsables avec ceux de vos pairs. Ensuite, évaluez vos outils technologiques d'achat par rapport aux standards actuels.
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* Pierre-François Thaler est cofondateur et codirecteur général d'EcoVadis. Matias Pollmann-Larsen est directeur général et responsable mondial de la chaîne de valeur durable chez Accenture.
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