Hachmi Ben Ameur, Directeur de recherche, Professeur, INSEEC Grande École and Selma Boussetta, Maître de conférences en finance, Université de Bordeaux
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Et si une certaine vertu payait ? Les entreprises ayant une politique ESG volontaire seraient moins affectées par les chocs boursiers exogènes. Parmi les raisons qui l’expliquent figurent notamment la qualité des liens qu’elles nouent avec leurs parties prenantes.
Les pratiques ESG (relatives aux critères environnement-social-gouvernance, ndlr) des entreprises cotées sont devenues un enjeu central dans l’analyse des marchés financiers, car les investisseurs intègrent de plus en plus ces critères dans leurs décisions d’allocation de capital. Cette évolution influence directement la capacité des entreprises à attirer des financements, à réduire leur coût du capital et à bénéficier de primes de valorisation sur les marchés boursiers.
Les agences de notation ESG et les gestionnaires d’actifs accordent une importance croissante à ces critères, considérant qu’ils reflètent non seulement la performance extrafinancière des entreprises, mais aussi leur potentiel de création de valeur à long terme. Dans ce contexte, il est essentiel d’analyser l’impact des pratiques ESG sur la résilience financière des entreprises.
Sur les marchés boursiers américains, après une année 2020 exceptionnelle, la pandémie de Covid-19 a exercé un choc exogène qui les fit reculer de près de 30 points. Cet événement inédit nous donne l’occasion de comprendre l’influence du score ESG sur la résilience financière des entreprises cotées à deux niveaux. D’une part, à travers la sévérité des pertes liées au cours de l’action et d’autre part sur leur capacité de rebond post-crise. Notre étude, portant sur 1 508 entreprises cotées aux États-Unis entre décembre 2019 et juin 2021, montre que les entreprises disposant d’un meilleur score ESG ont bénéficié d’une plus grande confiance des investisseurs. Cette perception favorable du marché a permis de limiter la baisse du cours de leurs actions et d’accélérer leur retour au niveau d’avant crise.
Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Chaque lundi, recevez gratuitement des informations utiles pour votre carrière et tout ce qui concerne la vie de l’entreprise (stratégie, RH marketing, finance…).
Facteurs de résilience
Notre étude nous a permis de comprendre que toutes les composantes ESG ne jouent pas un rôle significatif sur le potentiel de résilience des entreprises. Ainsi, si les composantes RSE du score ESG exercent une influence forte, ce n’est pas le cas de la dimension qui relève de la gouvernance. Concrètement, la résilience accrue s’explique par l’action conjointe de quatre facteurs :
Premièrement, les entreprises fortement engagées en ESG sont généralement mieux préparées à gérer les risques, ce qui leur permet de mieux traverser les périodes de turbulence économique. Elles sont souvent mieux préparées à faire face à des situations imprévues, comme une crise sanitaire, grâce à des plans de continuité d’activité bien élaborés et une réactivité accrue face aux changements rapides du marché.
L’impact de la fidélité des consommateurs
Deuxièmement, les entreprises fortement engagées en ESG bénéficient souvent d’une meilleure réputation, ce qui constitue indéniablement un atout majeur pendant les crises. La fidélité des clients et la confiance des parties prenantes sont renforcées, ce qui aide ces entreprises à maintenir leurs revenus et investissements même en période difficile.
Troisièmement, les bonnes pratiques ESG impliquent souvent des relations plus solides avec les employés et les fournisseurs. Cela peut se traduire par une plus grande réactivité et une meilleure collaboration lorsqu’il est nécessaire d’adapter rapidement les opérations en réponse à une crise.
Quatrièmement, les entreprises qui sont à l’avant-garde de l’innovation notamment dans le développement de produits ou services plus durables envoient un signal positif aux investisseurs qui leur prêtent volontiers de meilleures capacités de résilience face aux crises environnementales. Ces entreprises sont plus aptes à répondre plus efficacement aux défis émergents.
Résistance aux futurs chocs
L’article souligne que du point de vue des entreprises, investir dans le capital environnemental et social pourrait les aider à résister à de futurs chocs et représenter une forme d’assurance efficace en période de crise. Pour les investisseurs, les politiques environnementales et sociales pourraient diminuer le risque d’exposition des entreprises en cas de crise. Les résultats suggèrent que les gestionnaires devraient se concentrer sur les pratiques environnementales et sociales pour améliorer la résilience financière, ce qui pourrait se traduire par des avantages concurrentiels significatifs.
Dit autrement, le capital environnemental et social d’une entreprise est tout aussi important que son capital financier pour évaluer sa capacité à surmonter les crises et à sur-performer à l’avenir. Il devrait à ce titre être de plus en plus scruté par les investisseurs dans leur choix de portefeuille.
De nouveaux critères pour les investisseurs ?
Alors que les défis environnementaux et sociaux prennent une importance croissante, il est intéressant de considérer la manière dont les entreprises et les marchés valorisent les pratiques ES. À l’avenir, il pourrait devenir impératif pour les entreprises non seulement d’adopter des stratégies ES en réponse aux attentes des parties prenantes, mais aussi comme un élément essentiel de leur survie et de leur prospérité dans un environnement commercial, de plus en plus incertain et volatile.
Les innovations dans le domaine de la durabilité, mais aussi les bonnes pratiques RSE, peuvent non seulement contribuer à la résilience financière, mais aussi stimuler la croissance économique et le développement social. En définitive, cette réflexion doit inciter les entreprises à repenser leurs modèles et les investisseurs à réévaluer leurs critères d’investissement, en mettant un accent plus prononcé sur les pratiques durables et responsables, non seulement pour leur impact social et environnemental positif, mais également pour leur potentiel de création de valeur à long terme.
A propos de l'auteur
Visiter le site web Plus de contenu par The Conversation