Fini le grand n’importe quoi des engagements « Net zero » ! C’est en tout cas le message qu’a fait passer le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors de la COP27 qui se tient actuellement à Charm-el-Sheik. Alors qu'un nombre croissant d’entreprises, d’investisseurs de régions ou de villes s'engagent à être neutres en carbone, beaucoup d’engagement sont en réalité de simples plans de greenwashing, soit parce qu’ils reposent en grande partie sur de la compensation, soit parce qu’ils se limitent au périmètre direct de l’entreprise, sans prendre en compte sa chaine de valeur (en moyenne 80% des émissions d’une entreprise). Lors de la COP26, le chef de l’ONU avait ainsi mandaté un groupe de travail pour crédibiliser l’engagement net zero.
« Nous devons avoir une tolérance zéro pour l’écoblanchiment ‘net zéro’. Le rapport du groupe d'experts d'aujourd'hui est un guide pratique pour garantir des engagements ‘net zéro’ crédibles et responsables », Antonio Guterres.
Explicitement intitulé « Integrity Matters » (l’intégrité compte), le rapport donne donc 10 recommandations, élaborée par 17 experts internationaux, pour encadrer ces engagements. Voici les principaux points.
- Tous les engagements doivent respecter les scénarios du GIEC. « Les acteurs non étatiques ne peuvent pas prétendre être net zéro tout en tout en continuant à construire ou à investir dans de nouvelles sources d'énergies fossiles » comme le pétrole, le charbon et le gaz.Cela est tout simplement «incompatible». Travailler sur l’efficacité énergétique n’est pas suffisant.
- Les objectifs doivent couvrir toutes les émissions de gaz à effet de serre et tous leurs périmètres (Scope 3 compris). Pour les institutions financières, cela comprend « toutes leurs activités financières » et pour les entreprises cela signifie « toutes les émissions - directes, indirectes et celles provenant des chaînes d'approvisionnement ».
- Les engagements « net zéro » devraient être accompagnés d'un plan sur la manière dont la transition se déroule, avec les étapes intermédiaires, tous les 5 ans. Ces plans doivent être publics et si possible réunis sur une plateforme commune. La création d’un service public de données « net zéro », qui fournira des données vérifiées pour les entreprises a d’ailleurs été annoncé à la COP27 par Emmanuel Macron et l'Envoyé des Nations Unies pour le climat Michael Bloomberg.
- On ne peut pas être « Net zero » et pratiquer la déforestation ou la destruction des écosystème naturel, y compris dans sa chaine d’approvisionnement.
- On ne peut pas s’engager sur la voie du Net zero et pratiquer un lobbying pour amenuiser les politiques publiques en faveur de l’environnement (y compris en passant par des fédérations professionnelles…)
- La compensation n’est pas une façon d’assurer la neutralité carbone. « Les acteurs non étatiques ne peuvent pas acheter des crédits bon marché qui manquent souvent d'intégrité, au lieu de réduire immédiatement leurs propres émissions dans leur chaîne de valeur ». La compensation peut cependant être utilisée « pour aller au-delà des efforts destinés à atteindre les objectifs intermédiaires alignés sur 1,5°C et pour augmenter les flux financiers dans des domaines sous-investis (ex : la décarbonisation des pays en développement) »
- Point (très) important : le rapport de l’ONU va jusqu’à demander que ces initiatives volontaires deviennent « une nouvelle norme », demandée par les Etats, spécifiquement pour les pays développés. Le message aux entreprises est on ne peut plus clair : «Respectez ces normes et révisez vos lignes directrices dès maintenant, au plus tard d’ici à la COP28» (dans un an), avertit le chef de l’ONU.
Rappelons également que l’Ademe précise que seuls les Etats peuvent être réellement neutres en carbone. Les collectivités locales et acteurs économiques ne peuvent que « contribuer » par leurs engagements à cette « neutralité » nationale et mondiale.
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