PLASTIQUE : Le début de la fin ?

June 9, 2023 Béatrice Héraud
  • La négo 

Verra-t-on un accord de Paris sur le Plastique en 2024 ? Pas sûr que la COP21 se rejoue dans la capitale française mais cette semaine plus de 150 délégués du monde entier ont planché pour avancer sur l’élaboration d’un traité international contraignant destiné à mettre fin à la pollution plastique. Si tout va bien, il est attendu pour 2024 et l’on espère plutôt qu’il suive le chemin du Protocole de Montréal qui a effectivement permis de réduire le trou dans la couche d’ozone… Mais nous ne sommes qu’au début du processus : l’Unesco accueillait cette semaine (fin prévue le 2 juin) le deuxième round d’une négociation prévue pour en compter au moins cinq. Une gageure tant la mise en œuvre d’un tel objectif qui touche au cœur de la transformation de notre économie et de nos modes de vie divise la communauté internationale.

Si 60 pays dont la France poussent un texte de « haute ambition » visant à éliminer la pollution plastique en 2040 en misant principalement sur la réduction de la production plastique, d’autres comme la Chine (1er producteur de plastique) et les Etats-Unis  (1er consommateur de plastique) s’opposent à des obligations globales. La géopolitique du plastique ressemble fort à celle du climat puisque les responsables sont les mêmes : les énergies fossiles et plus spécifiquement le pétrole, élément indispensable à sa fabrication. Les négociations risquent d’autant plus de frotter sous le poids des lobbys que les pétroliers y voyaient depuis quelques années un relais de croissance (voir le document de l’AIE) face à la baisse de la production énergétique fossile. Raté ? Ne nous réjouissons pas trop vite...

Mais des associations spécialisées sur les questions ESG pour les actionnaires comme As you Sow n’hésitent pas à classer les activités plastiques comme des futurs actifs échoués, c’est-à-dire qui ne vaudront plus rien dans quelques années. En attendant, le commerce mondial des plastiques génère 1 000 milliards de dollars par an (5 % du commerce global de marchandises) selon une étude de l’UNCTAD.

  • L’enjeu en chiffres

La bataille s’annonce âpre mais la réglementation est urgente. Aujourd’hui plus de 350 millions de tonnes de déchets plastiques sont générés chaque année dans le monde. Ils finissent à la poubelle et au recyclage (9% seulement) mais aussi et surtout sur le sol, dans les cours d’eau (souvent des pays en développement) et océans…et dans notre corps aussi puisque nous ingérons l’équivalent d’une carte de crédit de plastique par semaine. Et les prévisions n’incitent pas à l’optimisme : aujourd’hui selon l’OCDE, la production mondiale de plastique est de 460 millions de tonnes. Elle devrait être multipliée par 3 d’ici 2060 et atteindre plus d’1,2 milliard de tonnes si des mesures de réduction, de recyclage et de meilleure gestion ne sont pas prise (dans ce cas, ça double). Depuis 1950, nous avons accumulés plus de 8 milliards de tonnes de plastique.

Concernant notre santé, on ne connaît que très peu des effets des 10 000 additifs que contiennent la dizaine de plastique différents que nous utilisons. Mais déjà 3 substances (bisphénols A, phtalates et retardateurs de flamme bromés) ont des effets nocifs très bien documentés. Toujours aussi fantastique ?

  • Les fausses bonnes solutions

Et si on nettoyait l’océan ? Et si on massifiait le recyclage ? Et si on fabriquait du plastique avec les plantes ? Oui mais. Les débris qui flottent dans l’océan ne sont que la partie visible de l’iceberg. Le problème, ce sont surtout les microparticules qui polluent désormais les eaux et sont ingérées par la faune et la flore marine. Et puis ça ne résout pas la question de la surproduction et surconsommation de pratique. Ni le recyclage d’ailleurs, qui stagne à moins de 10% de la production plastique au niveau mondial. Et rappelons-nous, l’important c’est de réduire la production pas de chercher à alimenter un nouveau cycle de production qui reste énergivore et dont le produit n’est pas recyclable à l’infini. Autre alternative : le plastique "biosourcé", fabriqué à base de plantes (cannes à sucres, pommes de terre...). Sauf que cela entre en concurrence avec les produits agricoles dont il ne vous aura pas échappé qu’ils ont en plus un peu besoin de bonne terre et d’eau, des ingrédients qui se font de plus en plus rares…Et si on prend la troisième génération élaborée à base de microalgues ? Cela requiert des intrants, de l’énergie et beaucoup d’argent pour élaborer une produit viable…La seule solution ? La réduction de la production : CQFD.

A lire : Le dernier numéro (24) de l’excellent magazine scientifique Epsiloon qui a enquêté sur « la plus grande pollution de tous les temps » aka : le plastique

A signer : L'association internationale No More Plastic (Official) demande plus de transparence des industriels quand ils utilisent du plastique recyclé et la création d’un fonds dédié à l’émergence d’une « économie sans plastique », financé par tous les industriels concernés. A signer ici.

A faire : Mesurez votre empreinte plastique avec No plastic in my sea et engagez-vous à la réduire en vous lançant dans le No Plastic challenge !

A suivre : la météo plastique. On suivait déjà les températures, les précipitations ou la qualité de l'air...on peut désormais suivre les quantités de plastique qui tombent du ciel grâge à l'outil Plastic Forecast de la fondation Minderoo. Ce 1er juin, on attend 40 kg rien qu' à Paris. Dans l'année, ce sont 47 tonnes de particules de plastique qui tombent dans la capitale française.

A propos de l'auteur

Béatrice Héraud

Béatrice Héraud, Journaliste pigiste et formatrice sur la transformation durable de l'économie, après 12 ans chez Novethic, elle publie depuis janvier 2022 une newsletter bimensuelle sur l’actualité de la transition écologique et sociale sur LinkedIn : Le Grand écart

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